Outre l’impact social et économique que génèrent les crises, elles mettent également en exergue les différences culturelles politiques. Et la crise actuelle du coronavirus n’échappe pas à la règle.
Certes, cette situation inédite a permis de fédérer la Belgique dès lors que notre gouvernement minoritaire dispose maintenant des pleins pouvoir (dans les limites strictes de la crise) et du soutien de presque tout le spectre politique au parlement fédéral. Mais, il suffit de mettre côte-à-côte les journaux francophones et néerlandophones pour remarquer des divergences culturelles politiques et que la situation est analysée au travers de prismes profondément différents.
Le cas le plus flagrant n’est autre que la façon avec laquelle la presse s’exprime sur la politique de Maggie De Block. Depuis plus d’une semaine, son action ne cesse d’être critiquée dans les médias francophones. Nos quotidiens vont jusqu’à publier des titres tels que « Feu à volonté sur Maggie De Block ! » dans les journaux de Sudpresse, « Maggie De Block, le rêve devenu cauchemar » dans La Dernière Heure[1] et La Libre[2], « La rage des soignants contre De Block » dans Le Soir[3] ou encore « Maggie De Block, une ministre en sursis » dans L’Echo[4].
Or, en Flandre, bien que notre Ministre de la santé ne soit pas épargnée, la presse est plus modérée. Les médias néerlandophones ont tendance à parler de malaise ou à s’exprimer sur l’ampleur des critiques formulées au sud du pays. Ainsi, nous lisons des titres comme « Ministre sous le feu des critiques en Wallonie » dans Het Laatste Nieuws[5] ou « Le malaise des masques buccaux de Maggie De Block » dans De Standaard[6]. Au nord du pays, c’est d’ailleurs la formule « Blijf in uw kot » de la Ministre que le public retiendra davantage, celle-ci étant particulièrement populaire sur les réseaux sociaux tels que YouTube et TikTok.
Une autre différence marquante entre le nord et le sud est l’attention accordée à ce qui se fait dans les pays limitrophes. Les décideurs politiques flamands ont tendance à se concentrer principalement sur leur propre expertise et idées. Cela fait longtemps qu’on ne se laisse plus inspirer par nos voisins hollandais, même si le Ministre-Président Jambon voudrait que son gouvernement se tourne davantage « vers le nord ». On aime plutôt utiliser les Pays-Bas comme point de référence pour se conforter dans l’idée qu’on fait mieux qu’eux. Ainsi, la Flandre ne se considère plus comme un outsider par rapport à nos voisins.
En Belgique francophone, chaque intervention de notre Première Ministre est ponctuée par une comparaison avec le « Chef de Guerre » qui n’est autre qu’Emmanuel Macron. La presse aime bien mettre en avant le style de Sophie Wilmès, considéré comme moins austère et finalement plus « belge ». Les médias et analystes ne manquent pas non plus de comparer les mesures prises par la Belgique à celles adoptées en France. Les médias soulignent d’ailleurs régulièrement que les mesures appliquées par le gouvernement et les interventions de notre Première Ministre emboitent le pas aux dispositions françaises. Seraient-elles une source d’inspiration ?
Bien que la Belgique prouve une fois encore qu’elle est capable de rassembler, ces différences rappellent également aux affaires publiques qu’il est important de s’adapter à son interlocuteur. Tout comme les belges ne sont pas toujours très réceptifs au style Macron (et inversement), les professionnels en affaires publiques doivent adapter leur approche à leur audience afin d’atteindre leurs objectifs. Pour avoir de l’impact auprès des autorités publiques et des parties prenantes, les entreprises doivent connaitre leur interlocuteur et y adapter leur approche et leurs messages. Il est essentiel de mesurer les intérêts de chacun, de montrer qu’on les comprend et d’apporter des réponses constructives aux problèmes qu’ils rencontrent.
A cet égard, cela fait longtemps qu’une stratégie nationale en affaires publiques est à éviter. Bien qu’il soit encore possible de travailler à partir d’une base commune, l’approche, les messages et la façon de communiquer devront toujours être appropriés à la région concernée (Bruxelles, Flandre ou Wallonie). Il est donc plus important que jamais que ceux qui travaillent sur ces dossiers fassent preuve d’intelligence émotionnelle et de compréhension afin de mettre en place des stratégies et campagnes solides et pertinentes.
[1] https://www.dhnet.be/actu/belgique/maggie-de-block-le-reve-devenu-cauchemar-5e88e2927b50a6162b0a75eb
[2] https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/maggie-de-block-le-reve-devenu-cauchemar-5e877567d8ad581631ac5bbb
[3] https://plus.lesoir.be/291906/article/2020-04-02/coronavirus-la-rage-des-soignants-contre-maggie-de-block
[4] https://www.lecho.be/economie-politique/belgique-federal/Maggie-De-Block-une-ministre-en-sursis/10218732
[5] https://www.hln.be/de-krant/-in-nieuwe-regering-wellicht-geen-plaats-voor-maggie-de-block-minister-onder-vuur-in-wallonie~a04a5e85/